lundi 1 février 2016

Inked

Aujourd'hui, on va parler aiguilles et encre.

Je me suis fait faire mon premier tatouage. (*Cri de surprise de la foule*)

Comme ce n'est pas un geste anodin, et que je suis une fille très angoissée par la vie en général, tu imagines bien que c'était toute une aventure. Aventure que je vais donc te conter ici, assieds-toi, prend une tisane, c'est parti.



1. Avant (longtemps avant)
Il y a déjà plusieurs années, j'avais commencé à penser à me faire tatouer. Beaucoup de mes amis ont beaucoup de tatouages, ce n'est donc pas un univers inconnu pour moi. De plus, je travaille dans un secteur qui n'est pas très regardant sur ce genre de décorations corporelles, surtout actuellement où je travaille toute seule chez moi en mangeant des cookies, autant dire que je pourrais porter des plumes sur la tête et des strass dans les dents, personne ne le saurait. Bref, cette idée ne m'est pas venue d'un coup un soir de beuverie (je ne juge pas cela dit, il y a des gens qui ont des tatouages magnifiques fait sur des coups de tête). J'avais réfléchi à ce que je voudrais me faire tatouer, et depuis je n'ai jamais changé d'avis, je suis têtue. Une esperluette (le signe "&"), dans une typo ancienne, un peu ronde, qui fait des arabesques et en devient presque un tracé abstrait. Il n'y a pas de raison particulière, ni de symbole hyper profond derrière cette image, juste que j'aime beaucoup. Je savais aussi où je voulais le faire : sur l'intérieur du poignet gauche, face à moi. Il y a quelques années, j'avais même fait un essai au feutre noir, pour voir.

Où l'on voit que mes veines sont super visibles et ma peau translucide. (Photo de 2011)
Et donc tout était prêt dans ma tête. Le dessin, l'emplacement. Mais... Ben, un tatouage, quand même, c'est permanent, il faut être sûr de ne pas s'en lasser. Et puis ça doit faire mal. Toutes ces aiguilles... Et puis... Bon... C'est pas pressé, hein, une fois que c'est fait c'est là pour la vie donc pas besoin de se précipiter.

Et donc les années passèrent. (Mes couleurs de cheveux aussi, car ça, au moins, ça se change relativement facilement.)



2. Avant (juste avant)
Il se trouve que j'ai un ami (coucou Maxence !) dont le métier est de tatouer des gens. Dans un salon de tatouage. Donc bon, l'occasion fait le larron, j'ai envie de dire. Mon copain en était déjà à son 3e tatouage et avait décidé d'en faire un 4e, sur la jambe cette fois-ci. J'avais déjà parlé avec Maxence du tatouage que je voulais depuis longtemps, et il m'avait dit "Quand tu veux, pas de souci". Et à chaque fois je répondais "Ouais, ouais, la prochaine fois". Parce que je suis une froussarde, comme tu le sais.

Mais là, à force, j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai demandé si je pouvais venir après mon copain. Je lui ai envoyé le tracé exact que je voulais, et j'ai commencé à flipper comme pas permis.

Bizarrement, ce n'était pas tellement les aiguilles ou le truc qui dure toute la vie qui m'inquiétaient. C'était, comme toujours, l'inconnu. J'ai beaucoup de mal avec l'inconnu. La dernière fois, j'ai repoussé pendant 36h un coup de fil important que je devais passer, pour la simple raison que je n'avais jamais appelé cet interlocuteur avant et que donc j'avais peur (de quoi ? Impossible à dire. Probablement de mourir d'une crise cardiaque en balbutiant "Alloooo"). Quand je dois aller dans des endroits que je ne connais pas, je regarde 12 fois le plan pour y aller, je vérifie sur Street-View les lieux pour repérer la devanture si c'est un bar par exemple, je demande 26 fois aux gens que je dois rejoindre s'ils y sont déjà. Quand un médecin doit me faire un acte médical, je lui demande de tout me décrire avant de faire quoi que ce soit. A chaque fois, dans ces situations, j'ai les mains moites, la gorge qui tremble légèrement, l'impression que le sol va s'effondrer sous mes pieds, que je vais ou vomir ou m'évanouir ou les deux, le coeur en tachycardie, et les tempes qui vibrent. Bref, j'ai du mal avec les trucs nouveaux. Donc autant te dire qu'un salon de tatouage (lieu inconnu), pour se faire tatouer (action inconnue, potentiellement douloureuse), même par un pote (personne connue), ça reste COMPLETEMENT DINGO. Mais bon, au final, j'appelle des gens quand j'y suis obligée, je découvre de nouveaux bars et je me fais soigner régulièrement par le corps médical, donc, à un moment, hein, faut pas trop écouter ses angoisses abruties.

Moi devant environ 90% des interactions sociales de la vie de tous les jours.


Donc le matin même, je prends le bus avec l'estomac plus du tout relié à mon corps, en me répétant "Au pire je pars en m'excusant platement" (meilleur plan B, marche en toute occasion). J'arrive au salon, et assiste à la fin du tatouage de mon copain. Il se fait faire un truc assez grand sur la jambe, c'est long, et douloureux. Le bruit de la machine à tatouer est insupportable pour mes oreilles angoissées. On dirait une roulette de dentiste en pire. Je me dis que ça va pas le faire, que je vais partir discrètement, que ça fera une histoire rigolote à raconter, tu te souviens la fois où je me suis pas fait tatouer haha ? Mais bon, je reste. Avec un peu de chance, le tatouage de mon copain prendra trop de temps, et il n'y aura plus de temps pour le mien. Héhé. J'en profite pour regarder de près le processus, les aiguilles qui rentrent dans la peau, les petits pots d'encre, les trucs stériles partout… Ca me rassure de voir comment on fait.

Finalement, si, il restait du temps. Maxence imprime mon dessin, vérifie la taille, me demande si ça me convient, le redessine sur du papier transfert. (Pendant que mon corps continue de divaguer).

Le mien est en bas à gauche. Le cactus à côté, c'est celui que mon copain a fait sur sa jambe.
On va pas gâcher du papier transfert quand même !

Comme on en avait déjà parlé, j'avais un peu modifié la taille et l'emplacement que je voulais à la base il y a 120 ans, pour des raisons purement esthétiques et pratiques : un peu plus bas sur le poignet pour ne pas se retrouver au milieu de toutes mes veines très apparentes, un peu plus gros qu'initialement, pour que le trait soit bien précis et élégant. Il me fait le transfert sur le bras, et me dit d'aller voir dans le miroir, de me balader avec pour voir si ça me va. Vu l'emplacement (l'intérieur du poignet), en fait on le voit à peine quand je me tiens normalement.
Je valide, et Maxence m'installe sur la chaise de torture.


3. Pendant
Me voilà donc allongée sur une table matelassée, avec le bras (préalablement désinfecté) posé sur un accoudoir recouvert de papier film (l'hygiène, tout ça), des sangliers dans l'estomac et l'impression que je vais vomir sur mon tatoueur. J'ai demandé si on pouvait me sangler sur la table mais apparemment ce n'est pas prévu. La bassine pour vomir non plus. Entre temps mon copain a dû partir à un rdv, heureusement un autre ami (lui aussi déjà tatoué, coucou Joseph) est là et tous deux me rassurent : ça va prendre 5 minutes, tout va bien se passer. Maxence m'explique tous ses instruments, ce qu'il prépare. Puis il me fait un essai "a vide", c'est à dire un trait avec les aiguilles mais sans encre, pour que je puisse ressentir ce que ça fait avant de commencer véritablement. D'ailleurs j'ai regardé les aiguilles et les machines de près, c'est assez petit en fait, pas du tout aussi flippant qu'une prise de sang. Sur certaines il y a plusieurs aiguilles les unes à côté des autres, pour faire des effets de tracés. Je tourne la tête de l'autre côté et serre les dents, prête à hurler et me barrer en courant. En fait ça fait... heu... pas grand chose. Ce n'est pas agréable, mais ce n'est pas atroce non plus. Ca me rappelle un peu quand mon chat me griffe à fond les bras. Ou alors un tout petit épilateur électrique un peu puissant. Ca picote et ça chauffe un peu, mais ce n'est pas très inquiétant. Il y a juste ce bruit qui me stresse encore un peu. Je regarde mon poignet et demande sur quelle distance il a tracé son trait fantôme, pour estimer si je peux supporter ça tout du long. Je dis banco. Et c'est parti.

Au premier trait, mon coeur s'envole un peu et je serre la main de Joseph au cas où. Mais en fait ça va. Sur certains endroits, ça se sent un peu plus. A un moment, je demande d'arrêter pour regarder où ça en est (parce que je n'ose pas regarder pendant). Tout le contour est fait, reste plus qu'à colorier l'intérieur. Je me réinstalle.

Le coloriage, donc.

J'essayais de sourire, ce fut un échec.
Mais sachez que mon visage ne reflète pas vraiment ce que je ressentais.

Et puis c'est fini. Ca a été très rapide (5/10 minutes je dirais). Maxence regarde, et me dit qu'il va repasser sur certains endroits pour que le trait soit bien net. Je grimace un peu, mais ça prend une minute. Et puis c'est vraiment fini !

Tadaaaaaa !
4. Après
Maxence me met un soin, enveloppe le tout, et me fait la liste des précautions à prendre pendant la cicatrisation, des crèmes et soins à apporter chaque jour à la peau pour que tout se passe bien. Ma peau commence à chauffer, ça gonfle un peu (normal, c'est quand même une sacrée agression de la peau) et j'ai un peu la tête qui tourne, parce que la pression retombe d'un coup.
Et je rentre chez moi, avec mon dessin sur le bras, enfin.

Maintenant reste plus qu'à attendre que ça croûte (miam), que ça cicatrise bien, et puis bah… le regarder chaque jour :)


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire